Entretien avec Boubakary Abdoulaye : Un guerrier qui tord le cou à l’inflation dans le septentrion

 

Après l’appel au « sacrifice citoyen » lancé aux bouchers de Maroua, Boubakary Abdoulaye, délégué régional du Ministre du Commerce de l’Extrême-Nord, a accepté de faire le point sur la lutte contre la vie chère dans cette partie du pays secouée par l’insécurité. Le délégué revient sur l’accompagnement apporté par le gouvernement à la communauté musulmane durant le mois de Ramadan. En outre, il parle de l’impact de l’insécurité sur le déploiement de ses agents qui poursuivent avec détermination leurs missions régaliennes sur le terrain afin de tordre le cou à inflation et protéger le panier de la ménagère.

 

Bonjour Monsieur le Délégué !

Oui bonjour !

Pouvez –nous nous faire l’état des lieux des prix sur le marché au niveau de la région ?

Merci de m’avoir donné l’opportunité de m’adresser aux lecteurs de votre journal La Voix Des Décideurs. Je suis d’abord content que vous ayez fait cette descente parce qu’il y a d’autres qui écrivent à Yaoundé sans faire l’effort de venir voir la réalité sur le terrain. Donc, je salue déjà cet effort que vous avez consenti de venir toucher du doigt les réalités notamment concernant les problèmes de disponibilité et les prix des principaux produits de grande consommation dans la Région de l’Extrême Nord. Je dois vous dire d’emblée que l’ensemble des produits de grande consommation que sollicitent les consommateurs, notamment : les céréales, le sucre, l’huile d’arachides, et biens d’autres produits sont disponibles et en quantité très importante dans la zone de l’Extrême Nord. Ceci est le résultat d’une très bonne campagne agricole de l’année passée pour les céréales locales. Pour les autres produits, cela est lié à un dynamisme réel de nos opérateurs économiques qui approvisionnent la Région en quantité importante depuis Douala et souvent depuis l’extérieur, notamment le Nigéria malgré l’insécurité qui nous perturbe ces derniers temps. Cet état des choses a fait en sorte qu’on passe un mois de Ramadan sans aucun problème au niveau de la disponibilité des produits de grandes consommations.

Comment avez-vous accompagné la communauté musulmane durant le jeûne du mois de Ramadan ?

« Notre rôle c’est d’épauler le consommateur et de l’accompagner quelle que soit son obédience religieuse »

Nous avons d’abord organisé des rencontres avec nos différents partenaires, les commerçants, afin que les produits sollicités puissent être disponibles et accessibles aux consommateurs à des endroits les plus reculés de la Région. Pour le cas de Maroua et de la ville de Kousseri, nous avons organisé avec quelques associations des ventes promotionnelles de ses produits. Nous avons également développé une stratégie avec les structures de productions notamment la SODECOTON, pour proposer leurs produits aux consommateurs sur place à des prix vraiment réduits. Tel est le cas de l’huile Diamaor pour laquelle la SODECOTON a consenti à une baisse d’environ 50 francs par litre. Parallèlement à ces actions menées par les services de régulation du commerce, nous nous sommes assurés que la MIRAP qui a ouvert un magasin spécial à Maroua soit approvisionnée en permanence quatre jours sur sept dans la semaine depuis environ trois à quatre mois. Cela a été respecté tout au long du mois de Ramadan afin de proposer aux consommateurs des produits à des prix vraiment attractifs. Cette initiative nous a permis d’accompagner les fidèles musulmans mais également des consommateurs d’autres obédiences et régions. La réalité étant que notre rôle c’est d’épauler le consommateur et de l’accompagner quelle que soit son obédience religieuse. Nous faisons la même chose pour les fêtes de fin d’année, les fêtes religieuses, les périodes de rentrées scolaires pour les produits sollicités lors de ces évènements précis. Nous le faisons depuis des années et nous ne baissons pas les bras. Pour le mois de Ramadan, nous l’avons bien fait. Tous les fidèles musulmans ont salué les efforts consentis par nos services. A côté de ces actions, il ne faudrait pas perdre de vue que nous envoyons nos agents sur le terrain aux fins de surveillance des prix et de la disponibilité de ces produits pour pouvoir attirer l’attention de la hiérarchie. Une mission de veille que nous avons en permanence menée à travers la brigade et le service de la promotion des activités commerciales. Cet état des choses nous a permis d’alerter à temps la hiérarchie et certains de nos partenaires pour pouvoir approvisionner la région en conséquence. L’objectif consistait à ce que la demande soit satisfaite en temps opportun à chaque fois qu’il y avait une tentative ou bien un problème quelconque. Dieu merci ! Nous n’en avons déploré aucune tension sur un produit quelconque depuis bientôt deux ans sur le marché.

Qu’en est-il de la situation de la viande de bœuf ?

« La filière fait face depuis des années aux difficultés structurelles. Un effort soit fait à leur niveau pour que cela ne soit pas ressenti par les consommateurs. »

Nous avons connu, c’est évident et puis tout le monde le voit, de petits problèmes de disponibilité et conséquemment du prix sur la viande bovine. Toutefois, nous avons tentés de juguler le problème en partenariat avec les chefs bouchers de la ville et de la région. Le but était que, malgré les difficultés structurelles auxquelles la filière fait face depuis des années, un effort soit fait à leur niveau pour que cela ne soit pas ressenti au maximum par les consommateurs et que les difficultés soient répercutées au minimum aux consommateurs finaux. Je dois d’ailleurs saluer l’esprit citoyen avec lequel ils ont adhéré à notre préoccupation et tout cela c’est bien passé jusque-là .

Selon vous qu’est ce qui explique le déficit en viande de bœuf sur le marché ?

Je n’irais pas jusqu’à parler de la carence ou de pénurie, mais plutôt de la faible disponibilité puisque la viande est disponible. Elle ne l’est simplement pas en quantité importante parce qu’effectivement, la filière bétail connait elle-même des dysfonctionnements, des problèmes structurels. Ces problèmes font que le bétail qui est proposé dans les grands centres urbains et précisément dans les marchés de bœufs, est assez réduit par rapport à ce qu’il était avant. De plus, autant cette disponibilité n’est pas importante autant la demande l’est. Elle résulte non seulement de la demande locale de nos bouchers mais également des intermédiaires et des bouchers d’autres régions importantes du pays, notamment les grands centres urbains que sont Yaoundé, Douala qui autrefois s’approvisionnaient dans l’Adamaoua ou à l’Est et même du Nord-Ouest.

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Y-a-t-il seulement ces problèmes ?

Il y a aussi des problèmes conjoncturels liés à l’insécurité dans ces régions ayant affecté la production et la disponibilité du bétail dans ces zones. La conséquence en est que, ces opérateurs se ruent sur nos marchés et livrent une concurrence forte à nos bouchers qui n’ont pas un pouvoir d’achat élevé. Ceux-ci n’arrivent plus à avoir les meilleurs bœufs pour abattre et proposés de la viande aux consommateurs de la région à un prix conforme. Ceux qui viennent d’ailleurs proposent des prix très élevé puis, compte tenu du fait que les prix sont plus élevé dans les grandes métropoles comme Yaoundé et Douala.

« La demande a crû du fait de l’accroissement de la population »

Néanmoins, nous avons fait des réunions avec ces bouchers et nous avons porté le problème à nos différentes hiérarchies aussi bien centrales que régionales pour que le problème soit d’abord connu et que les solutions puissent être envisagées à moyen et à long terme pour pouvoir y remédier. Parce que c’est un problème d’ordre structurel et à long terme, si rien n’est fait, il peut carrément abattre cette filière qui est séculaire pour la région de l’Extrême Nord. Pour me résumer, les pièces de bœufs qui arrivent sur le marché du bétail ne sont plus aussi nombreuses qu’avant pour pouvoir satisfaire la demande qui elle-même a crû du fait de l’accroissement de la population. Cet accroissement est le fait du mouvement des populations et de l’insécurité qui a ramené beaucoup de gens de la périphérie vers les grands centres urbains. Toutes choses qui font que la demande est très forte pour une disponibilité moins importante. Forcément, cela impacte sur le prix et sur la qualité de la viande. Il y a quatre jours encore nous avons eu une réunion avec les chefs bouchers. Je crois que vous avez fait un tour dans la ville au marché.

Evidemment…

…Vous avez vu, nous les avons invité d’abord à consentir, dans un esprit encore citoyen, une petite baisse qu’ils ont accepté. Ils ont fixé le prix du kg de viande avec os à 1200 francs Cfa et 2200 F Cfa pour le kilogramme de viande sans os. Aussi, nous leur avons demandé d’afficher ces prix. Je crois que vous avez vu ces prix affichés. Mais je dois dire, pas pour les dédouaner, qu’ils font face à un problème réel et c’est pour cette raison que nous avons saisi le gouverneur pour que qu’il prenne davantage de mesures. Une réunion plus élargie sera organisée sous la houlette du gouverneur afin d’impliquer l’ensemble des administrations parties prenantes à ce problème. L’objectif sera d’analyser et voir les voies et moyens d’améliorer la situation pour que le bétail revienne en quantité importante dans les marchés afin que nos bouchers puissent s’approvisionner en conséquence et permettre aux consommateurs d’avoir le produit final à un moindre coût.

Au niveau de la délégation régionale qui est sous votre conduite, quels sont les problèmes réels que vous rencontrez ? 

« Dès que nous sommes interpellés, nous sommes mobilisés parce que nous sommes des républicains. Nous servons le pays, nous servons la République. »

Je préfère parler des solutions plutôt que des problèmes. Je suis un responsable. Les problèmes comme on le sait naissent sans cesse et notre rôle c’est de les régler. Nous faisons face à ces problèmes tel celui de la viande dont on parle. Nous avons réuni des bouchers, nous avons pris des mesures, mais nous sommes-là dans le cadre de notre mission régalienne. De fait, l’ensemble des activités que nous menons tant bien que mal malgré les difficultés, sont souvent liées aux moyens. Toutefois, nous sommes des républicains. Nous travaillons et nous nous inspirons du conseil du ministre qui a l’habitude de nous dire « Monsieur le Délégué, on peut démontrer qu’on peut travailler sans les moyens ». Nous nous efforçons de le faire mais, je ne dirais pas sans moyens. Nous avons des moyens qui peuvent être insuffisants par rapport à la tâche à laquelle nous sommes interpellés. Nous faisons face et avec courage et abnégation. Je dois saluer ici la collaboration, l’engagement et le dynamisme de mes collaborateurs à l’instar du chef de brigade et l’ensemble de son équipe ; du chef d’activités commerciales du chef SAAF… Tous sont impliqués au jour le jour. La preuve est que la réunion que j’ai tenue avec les bouchers, nous l’avons tenue un dimanche et il y avait tous les collaborateurs ici présents. En réalité, dès que nous sommes interpellés, nous sommes mobilisés parce que nous sommes des républicains. Nous servons le pays, nous servons la République et dès lors qu’on nous a fait confiance, c’est à nous de mériter cette confiance en faisant le maximum d’effort possible.

Au niveau régional, est-ce que le problème d’insécurité n’impacte pas l’ensemble de vos activités ?

« L’insécurité réduit notre mobilité, nos mouvements vers certaines zones »

Forcément, il impacte puisqu’il réduit déjà notre mobilité, nos mouvements vers certaines zones, mais nous nous efforçons. En tant que délégué, chaque fois que nous sommes interpellés pour des problèmes précis, nous prenons des mesures pour pouvoir quand même être présents malgré cette menace. Nous avons la chance qu’il y a les forces de défense de sécurité au niveau des secteurs administratifs qui nous accompagnent et jusque-là, tous s’est bien passé. Il est vrai que nous avons réduit notre mobilité parce qu’il y a des zones où pendant longtemps nous n’avons pas mis pieds. Mais avec le retour à la sécurité, cette situation est déjà derrière nous. Nos agents se déploient normalement chaque fois qu’il y a un problème sur le terrain.

 

Interview réalisée par Marcien Essimi

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