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Réflexion du Pr Jean-Emmanuel Pondi sur les dangers du discours de haine au Cameroun

Montée du discours haineux: Le Pr. Jean-Emmanuel Pondi fait une mise en garde

Le Professeur Jean-Emmanuel Pondi, enseignant d’université, vient de publier une réflexion sur les « Dangers du discours de haine en milieu universitaire et au-delà ». L’érudit camerounais, titulaire de la Chaire Léopold Sédar Senghor, qui met son  intelligence “au service de la paix et de la construction d’une humanité plus juste”, répond à de cinq questions fondamentales : Que faut-il entendre par le vocable « discours de haine » ? Quelles ont été les conséquences de son application au sein des sociétés qui ont expérimenté sa mise en œuvre ? Quels ont été les facteurs déclencheurs de sa montée en puissance dans l’histoire récente des sociétés ? Pourquoi la présence de ce phénomène devrait-elle encore être plus préoccupante en milieu universitaire ? Et que pourrait-on faire pour combattre en freinant au maximum sa propagation nationale en général, et en milieu universitaire en particulier ?

 

 

LES DANGERS DU DISCOURS DE HAINE EN MILIEU UNIVERSITAIRE ET AU DELÀ

Ces derniers mois, dans de nombreuses plateformes de discussions sociales, est apparu un discours à résonnance particulière : un discours de haine.

Bien que de manière encore voilée, ce discours est en train d’atteindre les universités, temples connus et reconnus du savoir dans toute société.

Au regard des conséquences graves qui pourraient découler de sa mise en œuvre par ceux qui l’articule, il nous a semblé nécessaire et important de consacrer une brève discussion à ce phénomène potentiellement dévastateur de notre société.

La présente réflexion se propose d’apporter quelques éclairages autour de cinq questions fondamentales qui sont :

  1. Que faut-il entendre par le vocable « discours de haine » ?
  2. Quelles ont été les conséquences de son application au sein des sociétés qui ont expérimenté sa mise en œuvre ?
  3. Quels ont été les facteurs déclencheurs de sa montée en puissance dans l’histoire récente des sociétés ?
  4. Pourquoi la présence de ce phénomène devrait-elle encore être plus préoccupante en milieu universitaire ? et enfin,
  5. Que pourrait-on faire pour combattre en freinant au maximum sa propagation nationale en général, et en milieu universitaire en particulier ?

Ces interrogations qui soulèvent en elles-mêmes de vastes débats ne sont abordées ici que de manière relativement succincte, sans prétention aucune à l’exhaustivité. Un autre cadre d’analyse nous permettra plus tard d’aborder ces problématiques avec encore plus de profondeur. Commençons par le premier point de cette réflexion.

 

Que devrait-on entendre par « discours de haine » ?

Le terme « discours de haine » ou « discours haineux » se réfère à un type de message, de propos ou de signaux communicationnels qui, au-delà de l’injure ponctuelle, s’attaque de manière spécifique, pernicieuse et ouverte, à une personne ou à un groupe de personnes, sur la base de caractéristiques diverses telles que : leur couleur de peau ; leur appartenance ethnique ; religieuse ; linguistique ; culturelle ; etc…

Autrefois diffusé au travers des mass médias traditionnels (Radio, Télévision et presse écrite), les concepteurs et utilisateurs de ce discours font désormais usage des nouvelles technologies de l’information que l’on retrouve surtout dans le cyberespace, avec leur effet multiplicateur.

L’histoire récente nous offre un cadre idoine pour évaluer avec le nécessaire recul que seul procure le temps, l’impact de l’utilisation ces messages sur l’humanité.

 

Les conséquences bien connues du recours à un discours : la ” Shoa ” dans l’Allemagne nazie et le massacre des Tutsi au Rwanda.

Point n’est besoin d’être un historien de haut vol ou un sociologue professionnel pour comprendre, après lecture de leurs déroulement respectifs, que l’extermination des juifs dans l’Allemagne Nazie (1933-1945) et le génocide des Tutsi et de leurs protecteurs Hutu au Rwanda en 1994, furent des conséquences directes et palpables des discours de haine articulés à l’encontre de ces communautés spécifiques par les classes dirigeantes des deux pays concernés.

Pour ce qui est du premier pays cité, il conviendrait de rappeler que le programme politique en 25 points du parti Nazi (National Sozialisatische Deutsche Arbeiter Partei- NSDAP) contenait comme l’un de ses axes majeurs, l’exclusion systématique des juifs de la citoyenneté allemande. Il fut exposé pour la première fois par Adolf Hitler lui-même, au cours d’une réunion publique à la Hofbräuhaus de Munich (qui existe toujours), le 24 février 1920.

La suite est hélas trop bien connue. En l’espace de 10 ans, 8 mois et 28 jours de leadership politique, militaire, culturel, économique et technologique (entre autres domaines) sur l’Allemagne (du 2 août 1934 au 30 avril 1945), les dirigeants du 3ème Reich ont envoyés à la mort, à partir des camps de concentration et d’extermination, près de 3 millions de juifs, au motif que cs derniers seraient des « sous-hommes » nuisibles à l’épanouissement de « la glorieuse race aryenne allemande ».

Pour celles et ceux à qui cela pourrait servir de leçon, Voici rappelés ci-dessous les conséquences et le bilan du lugubre discours de haine nazi passé de la parole aux actes entre 1933 et 1945.

 

Camp d’extermination Nombre de morts Nombre de survivants
Auschwitz – Birkenau 1 100 000 00
Treblinka 1 200 000 02
Sobibor 250 000 50
Chelmno 150 000 03
Majdanek 78 000 200 000
Total 2 778 000 200 055

 

 

Sources : Saul Friedlander, Les années d’extermination : l’Allemagne nazie et les juifs : 1939-1945, Paris Ed. du Seuil, 2008, 1028 pages et Arno Mayer, La « Solution finale » dans l’histoire, Paris, la Découverte, Coll. de « Poche », 2002, 566 pages.

S’agissant du second pays mentionné plus haut pour illustrer les conséquences palpables du discours de haine, il importe de retenir que la première référence connue initiée par les Hutu pour planifier l’organisation d’un génocide contre les Tutsi, date de la rédaction du « Manifeste Bahutu » voté par des haut-décideurs de ce dernier groupe dès 1957, c’est-à-dire avant l’indépendance du pays qui fut proclamée le 28 janvier 1961.

La tragique conséquence de sa première mise en œuvre fut le déclenchement du conflit Hutu contre Tutsi de 1959, qui se soldat par l’exil de 300 000 Tutsi du pays.

Qu’est-ce qu’un génocide ? D’après la convention des Nations Unies pour la prévention de la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, « un génocide est commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Au moment du génocide d’avril 1994, le Rwanda comptait 7.3 millions d’habitants, répartis ainsi qu’il suit : 84% de Hutu, 15% de Tutsi et 1% Twa.

Ouvertement, appelés « cancrelats » par des « journalistes » Hutu sur les ondes de la tristement célèbre Radio « Libre » des Mille Collines, les Tutsi furent rendus responsables de la mort du Président Habyarimana, sans qu’aucune preuve ne soit présentée par qui que ce soit pour étayer ces accusations graves. Le résultat de ces diatribes de haine est, une fois de plus, connu de nous tous, mais probablement sans les précisions morbides qui vont suivre.

Selon un décompte fourni par le gouvernement du Rwanda post-génocide, l’on aurait dénombré 1 174 000 victimes des massacres. Ceci revient à enregistrer l’exécution de 10 000 meurtres par jour, de 400 massacres par heure et 7 tueries par minutes pendant 90 jours ! (Voir Dady de Maximo, « A Genocide That could have been avoided » in New Times (2012).

Dans les deux cas choisis, ce qui apparaît comme une irréfutable évidence, c’est la finalité meurtrière et cauchemardesque à laquelle conduisent les discours de haine d’Allemagne et du Rwanda. Plusieurs centaines de milliers de morts.

Qui pourra clamer demain au Cameroun et ailleurs en Afrique que nous ne le savions pas » ? En tout état de cause, ne sommes-nous pas en train d’empreinter le même chemin ? Pour mieux confronter ces désastres créés par des humains, il conviendrait peut être de s’intéresser tout autant aux causes qu’aux conséquences de leurs dynamiques.

 

Vers une explication des causes majeures de la montée en puissance de ce phénomène

Parmi beaucoup d’autres, au moins trois causes principales pourraient être retenues pour tenter d’expliquer la percée spectaculaire du discours de haine dans nos sociétés contemporaines.

Il y a, de toute évidence, un regrettable laxisme observé chez certains parents dans l’éducation de leurs enfants (ou ce qui en tient lieu) en matière de transmission à ces derniers, des valeurs d’éthique dans le comportement, de patriotisme dans la vision et de vivre-ensemble inclusif au sein de notre société. Loin de fournir à leurs progénitures des exemples probants d’une conduite empreinte de compréhension et de tolérance vis-à-vis des autres mmbres de groupes ethniques nationaux, certains parents se livrent plutôt à des critiques acerbes contre lesdites communautés et inculquent de ce fait des réflexes négatifs à leurs enfants aux yeux de qui ils constituent pourtant – à tort ou à raison – des modèles à émuler en tos points.

 

Comment s’étonner dès lors, qu’observées à partir du précieux cocon familial, ces attitudes négatives, apprises aux enfants, ne soient considérées par ces derniers comme la norme de référence pour leur comportement social futur ?

En deuxième lieu, le comportement de certains décideurs de la sphère publique est également de nature à exacerber la haine des autres dans les discours qu’ils tiennent. Devant les difficultés créées par la persistance des fléaux tels que : le chômage très élevé en milieu jeune, la corruption, la prévarication ; la difficulté apparente d’accéder à certaines écoles de formation sans parrainage » ; la prolifération croissante d’un mal-vivre ressenti par une proportion de plus en plus importante de camerounais et d’Africains. Beaucoup dans la population n’hésitent plus à pointer du doigt « la mauvaise gouvernance dont ils s’estimeraient victimes ». En retour – et piqués au vif – un grand nombre de hauts responsables publics n’hésitent pas à stigmatiser certains groupes ethniques spécifiques, pour « expliquer » la persistance de certains problèmes récurrents. C’est le syndrome apparemment anodin qui consiste à désigner l’étranger ou « l’allogène » comme vecteur de nos malheurs.

Il y a troisièmement dans cette liste non-exhaustive, le rôle très trouble, voire troublant, que jouent certains média dans l’exacerbation des tensions intra-sociétales (Télévision, radio et presse écrite confondues). Au lieu d’éclairer l’opinion par des explications permettant aux citoyens de comprendre les contours des temps difficiles qui sont les leurs, une minorité de media se transforme en procureurs, censeurs, juges, donneurs de leçon et, plus grave encore, vecteurs assumés de haines inter-tribales ou inter-culturelles au sein de la nation.

l’observation, ces trois exemples semblent converger autour d’un point commun. Ils révèlent des dysfonctionnements inquiétants dans le sens ou des personnes sensées apporter des solutions ont souvent recouru, non pas à des décisions immédiates, fermes et appropriées de leur part, mais plutôt à une recherche d’explications pour justifier leur inaction ou pire encore, le choix de décisions contraires à celles qui auraient dû être prises.

De façon plus claire et à titre d’exemple, l’on attend généralement des parents qu’ils soient pour leurs enfants, des exemples de bienséance comportementale à tous les niveaux et vis-à-vis de tous. De même, les responsables publiques sont supposés occuper leurs postes de travail dans le but d’apporter « des solutions pertinentes et systématiques aux problèmes qui se posent à eux » et non pour tenter d’apporter des « explications » justifiant leur inaction ».

Enfin, eu égard à leur impact profond dans le formatage de la pensée citoyenne contemporaine, il faut souligner l’attitude et les opinions de plus en plus questionnables de certaines de nos structures médiatiques cybernétiques qui contribuent au renforcement de la présence publique du discours de haine dans notre pays. En effet, revient-il aux média de se substituer aux partis politiques pour soutenir avec force tel programme politique au détriment de tel autre par le biais d’un « éditorial »? Ou à coup d’articles à caractère militant ? Leur devoir ne consiste –t-il pas à clarifier et la compréhension des contenus desdits programmes pour le bon entendement des citoyens ? Les fondamentaux du journalisme classique ou digital, adapter les journalistes, étant : informer, éduquer et divertir.

De notre point de vue, ce sont les actions discutables de ces différents acteurs et structures qui, ajoutés à bien d’autres sans doute, ont contribué à  asseoir et à affermir le discours de haine qui s’installe dangereusement dans notre société.

Qu’en est-il de la présence de ce discours à l’Université ? Quelles sont les spécificités de ce milieu qui devraient contribuer à le rendre particulièrement obscène, dangereux et pour tout dire, inacceptable dans l’environnement académique ?

Le discours de haine est-il compatible avec l’esprit universitaire ?

 Avant de proposer une réponse à cette importante interrogation, il conviendrait sûrement de revenir très brièvement sur la définition technique d’une université au Cameroun. Cet exercice nous permettra, par la suite, de nous prononcer sur la compatibilité ou non de l’esprit et des pratiques qui y ont cours, avec le discours de haine, objet de notre analyse.

C’est la loi n° 2001/005 du 16 avril 2001 portant orientation de l’enseignement supérieur au Cameroun, en son article 2, qui précise les missions qui sont assignées par l’Etat aux universités. Celles-ci ont pour mission fondamentale, la production, l’organisation et la diffusion des connaissances scientifiques, culturelles professionnelles et éthiques pour le développement de la nation et le progrès de l’humanité ». En outre, le Décret n°93/027 du 19 janvier 1993 portant disposition communes aux Universités prescrit en son chapitre premier (article 3) que la mission spécifique de l’Université est d’assurer « la promotion de la science, de la culture et de la consciences nationale ».

Il ressort des définitions de l’université détaillées ci-dessus, qu’il s’agit d’une institution qui a pour vocation de mener des activités de haut niveau au plan intellectuel et qui sont de nature pluridisciplinaire, multiculturelle, multilingue, trans-ethnique et inclusive.

Plus que partout ailleurs dans la Nation, la diversité d’origine des membres de la communauté universitaire ne peut que se traduire en atout à mettre au service d’une plus grande (donc plus riche) diversité d’approche et d’analyses.

A l’observation, les méthodes de recherche sacralisées dans le milieu universitaire condamnent toute exclusion basée sur des critères non objectifs et non rationnels. En deuxième lieu, les fruits de la recherche les plus acceptés sont ceux qui résolvent les problèmes concrets auxquels les êtres humains (tout court) sont confrontés, sans référence de race, d’ethnie ou de culture.

Revisitons ces trois critères essentiels de la vie, de la déontologie de la recherche scientifique en milieu universitaire.

L’université comme lieu par excellence de la sublimation et de la positivation de la différence

 S’il est un endroit où tenir un discours différent, soutenir une pensée dissidente mais originale constituent un incontestable avantage, c’est bien l’Université. En effet, que ce soit dans les sciences dures (mathématiques, physiques, chimie par exemple) ou dans les sciences sociales (droit, sciences politiques, sociologie, économie, etc…) ou dans les sciences humaines (philosophie, anthropologie, histoire, linguistique, etc…) les habitants de la galaxie universitaire sont pratiquement tous d’avis que c’est précisément de la juxtaposition des idées contraires, du choc des positions antagonistes que naît le progrès scientifique, par définition.

Les deux nations qui ont produit le plus grand spectacle planétaire en matière de rivalité scientifique au XXe siècle, les Etats-Unis et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS)- à travers la course pour la conquête de l’espace – ont pu le faire en s’appuyant sur leur incroyable diversité humaine, ethnique, culturelle et scientifique.

Comme nous le rappelle le savant camerounais de regretté mémoire, le père Engelbert Mveng,

[L’on a l’habitude de souligner] que le Cameroun compte plus de deux cents groupes ethniques. [Mais] les États-Unis en comptent probablement plus… car on y trouve toutes les nationalités européennes, …des groupes ethniques autochtones [les indiens], et des populations d’origine africaine, asiatique et mélanésienne ; l’ex-Union Soviétique [qui était un pays eurasien] compte deux cents dialectes.1

Ces deux pays ont pu dominer le monde au XXe siècle en très grande partie grâce à leur puissance scientifique, à la qualité du savoir produit qui, elle-même était renforcée par l’incroyable diversité de leurs universitaires originellement issus des cinq continents (pour ce qui est des USA).

Par contraste, un savoir étriqué, recroquevillé sur ses propres certitudes étroites, reposant sur une unilatéralité culturelle ethnique et scientifique, ne saurait en aucun cas prospérer à l’échelle mondiale. Si le discours de haine conduit par définition à un inéluctable repli sur soi, l’on voit mal comment il pourrait être le bienvenu dans un milieu réellement académique, donc scientifique.

 

L’atteinte des bons résultats de la recherche : un processus qui ne connait ni race, ni tribu, ni nationalité.

Il va de soi que tout bon universitaire se doit d’être un bon chercheur qui produit des travaux utiles au progrès de son environnement humain et matériel. La rigueur des procédures de recherche, l’attachement que celles-ci montre pour une grande neutralité, exclue d’emblée, l’option de la distorsion des faits, comme méthode scientifique dans et par la communauté universitaire.

En s’appuyant sur un excellent ouvrage récemment écrit et publié par le Dr Jacques Chatué de l’Université de Dschang, il apparait clairement que l’éthique de la recherche contient de très nombreux éléments pour éviter de sombrer dans une dérive tribale, raciste ou comportementale, telle que caractérisée par les tenants du discours de la haine.2

L’étude du Dr Chatué présente avec minutie les sept principes clés auxquels tout chercheur universitaire sérieux doit s’astreindre : ce sont les principes de véracité, de publicité, de collégialité, de précaution, de recevabilité patriotique, de laïcité et de labeur.

A titre d’illustration, le principe de véracité, retenu en premier « se donne comme adversaire la fraude scientifique, la falsification des données, faits et chiffres, témoignages et expériences »3. A partir de ces seules indications, l’on   comprend bien que l’esprit universitaire, le vrai, et l’authentique, ne peut que désavouer tout discours de haine, dont le socle et la philosophie sont contraires à la déontologie de l’enseignant-chercheur universitaire.

A la vérité, les bons résultats ne connaissent pas de frontière raciale, ethnique, linguistique, sociale ou nationale. Les bons fruits de la recherche profitent à toute l’humanité. Sans discrimination aucune.

 

L’Université comme lieu de défense de la diversité humaine et de sa complémentarité positive

Loin de verser dans la production des « savoirs déviants » (ceux qui renforcent les thèses racistes et tribales que la vraie science a réfuté depuis très longtemps), les universitaires de métier se doivent de combattre ces graves dérives qui, plusieurs fois dans notre histoire, ont déjà causé la mort de millions d’individus innocents.

Les universitaires que nous sommes, ou que nous prétendons être, devraient bien comprendre la nature des deux réalités incontournables qui sont les nôtres en ce XXIe siècle de tous les dangers pour notre cohésion sociétale : l’importance de notre conscience professionnelle d’une part et la lourdeur de notre responsabilité historique d’autre part. C’est de notre capacité individuelle et collective à transcender nos petites querelles quotidiennes, à nous hisser à la hauteur des enjeux que représente notre statut « d’éclaireur des consciences », et surtout, à accepter de nager à contre-courant des appels inacceptables à la haine contre d’autres concitoyens, d’autres groupes ethniques et raciaux, que dépend le sort de notre pays le Cameroun et la destinée de l’Afrique.

Aux personnes qui soutiennent qu’une idée d’une épuration ethnique est nécessaire pour atteindre le bonheur des tribus restantes, qu’il me soit permis de livrer le récit véridique suivant : il existe en effet un pays parmi les cinquante-cinq (55) nations du continent qui est constitué d’un seul groupe ethnique, qui parle une seule langue, qui pratique une seule religion et qui est issu de la même civilisation. Ce sont là les conditions « idoines » pour nos avocats de la suprématie ethnique. Ce pays est la Somalie, dont le parcours laisse pourtant à désirer, puisque le groupe homogène tant sublimé s’est divisé en clans et sous clans qui se combattent à longueur d’années. Ils ont totalement détruit leur nation. La Somalie occupait en 2018, l’avant-dernière place des cinquante-cinq Etats sur le plan économique selon une enquête de Jeune Afrique4. La dernière place étant tenue par le Sud Soudan.

Ces résultats obtenus par la Somalie contredisent de manière claire et ferme la thèse du triomphe de la paix et du développement par l’élimination des autres cultures et ethnies.

Par nos gestes quotidiens, par nos paroles, nous devons nous constituer en rempart au détestable et avilissant discours de la haine. Nous devons nous opposer avec force au discours de l’exclusion des autres qui, si nous n’y prenons garde, nous consumera tous, comme ce fut le cas des sociétés qui optèrent pour sa mise en œuvre dans les années 1930 et 1940 pour l’Allemagne et dans les années 1990 pour le Rwanda. En tant que citoyens responsables, le choix de notre avenir commun (brillant ou sombre à dépend pleinement de nous. Allons-nous opter pour mettre notre intelligence, en tant qu’universitaires, au service de la paix et de la construction d’une humanité plus juste, ou allons-nous au contraire choisir de l’utiliser pour perpétrer la ruine, le chaos et la désolation ?

Telle est la question cruciale qui se pose à notre conscience en ces temps cruciaux de la vie de notre Nation.

Ne disons surtout pas que  nous « ne savions pas ».

A bon entendeur, salut !

 

 

Professeur Jean-Emmanuel Pondi

Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC)

Titulaire de la Chaire Léopold Sédar Senghor

 

 

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1 Voir Engelbert Mveng, B.L. Lipawing, Théologie, libération et cultures africaines. Dialogue sur l’anthropologie négroafricaine, Yaoundé/Paris, Editions CLE/Présence Africaine, 1996, P.152

2  Voir Jacques Chatué, L’éthique de la recherche en 7 points. Approche déontologique et contextuelle. Préface de Jean-Emmanuel Pondi, Yaoundé, les PUY, 2018.

3 Ibid, P.25.

 4 Voir Jeune Afrique

 

 

 

 

 

 

 

 

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