Chronique judiciaire : Le cadre légal d’acquisition et de la perte de la nationalité camerounaise : Le cas Gaston Philipe Abe Abe alias Valsero

 

 

 

Chronique juridique et judiciaire

Dans une vidéo publiée récemment sur Facebook, l’activiste et artiste camerounais Gaston Philipe Abe Abe plus connu sur le nom du ‘’General Valsero’’, faisait état de la volonté explicite de la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN) de ne pas renouveler son passeport et par cet acte il était devenu un apatride car dépourvu de nationalité. Pour comprendre la notion de nationalité camerounaise, il est important de situer son régime juridique afin de scruter les conditions d’acquisition et perte de la nationalité camerounaise.

Le cadre légal d’acquisition et de la perte de la nationalité camerounaise

La nationalité s’entend trivialement comme étant un lien de rattachement d’un individu à un Etat donné, instituant tant de devoirs que de droits en contrepartie, de cet individu par rapport à cet Etat. Autrement dit c’est l’appartenance juridique d’une personne à la population constitutive d’un Etat ; groupement d’individus ayant même origine, ou tout au moins une histoire et des traditions communes.

Au Cameroun, la nationalité est régie et encadrée par la Loi N° 1968-LF-3 du 11 juin 1968, portant code de la nationalité camerounaise qui contient une succession d’article définissant la situation de la nationalité camerounaise :

Article 2 dispose que : « La nationalité camerounaise s’acquiert ou se perd après la naissance, par l’effet de la loi ou par une décision de l’autorité publique prise dans les conditions fixées par la loi » ;

Article 31 « Perd la nationalité camerounaise :

 (a) Le Camerounais majeur qui acquiert ou conserve volontairement une nationalité étrangère

(b) Celui qui exerce la faculté de répudier la qualité de Camerounais conformément aux dispositions de la présente loi » ;

Article 40 « La perte de la nationalité camerounaise prévue par l’article 31 (b) et les déchéances de l’article 34 sont prononcées par décret ».

 

 

 

Dans le cas d’espèce, Valsero reste Camerounais jusqu’à preuve de contraire, car il n’a jamais pris une nationalité autre de celle du Cameroun pour perdre automatiquement la sienne conformément à l’article 31 sus cité, aucune décision de justice ne l’a condamné pour atteinte à la sûreté de l’Etat ou alors le Président de la République n’a pas pris un décret pour le déchoir de sa nationalité. Ses affirmations selon lesquelles, il serait devenu un apatride n’a pas de fondement juridique mais plutôt politique.

Les fondements politiques du non renouvellement du passeport de Valsero

L’artiste Valsero est connu pour ses critiques acerbes à l’égard du régime de Yaoundé. Ses chansons révolutionnaires ont tendance à amener ceux qui l’écoutent à se révolter. Il a été plusieurs fois censurée par les autorités du Cameroun. Le chanteur a fait la cellule plusieurs fois et la prison à cause de son activisme, qui n’est pas du goût du pouvoir avant de s’exiler à Turin en Italie où il réside actuellement. Même à l’étranger, il ne cesse de critiquer la gestion des affaires de son pays via Facebook et YouTube où il est très suivi au quotidien sur sa page intitulée « la clinique de papa ».

En principe, la nouvelle procédure au Cameroun voudrait que le passeport soit disponible dans 48 heures après son dépôt, pour le cas de l’artiste c’est depuis 5 mois qu’il est en attente du renouvellement de son passeport. Pour lui, l’attente s’assimile à une tentative des autorités d’ôter sa nationalité camerounaise. Dans un cas ressent l’artiste camerounais Simon Longkana Agno alias ‘’Longué Longué’’ a vu son passeport retiré par la DGSN alors qu’il avait des engagements contractuels à l’extérieur du Cameroun. C’est après beaucoup de supplice et d’humiliation que son précieux sésame lui a été restitué.

 

 

Les cas de ces deux artistes ne sont pas isolés. Plusieurs compatriotes de la diaspora sont victimes de ce traitement inique, faudrait-il le rappeler. Le Cameroun a adopté la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui dispose que :

Article 15 alinéa 1 : « Tout individu a droit à une nationalité ».

Article 15 alinéa 2 : « Nul ne peut être arbitrairement privé de nationalité ».

Dans le même sens, le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques également ratifié par le Cameroun stipule que :

– Article 12 alinéa 4 : « Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son pays »

Article 19 alinéa 1 : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions ».

Il est donc regrettable que, plus de 30 ans après les premiers pas sur le chemin du retour à la démocratie au Cameroun, le régime continue d’instrumentaliser certaines administrations dans le but de museler la liberté de circulation des Camerounais.

Cette situation plonge les victimes dans le désarroi. Elle ne peut qu’accroître les frustrations et les rancœurs dans un pays qui a plus que jamais besoin d’apaisement et de réconciliation entre tous ses enfants. L’attitude des autorités amène certains compatriotes à acquérir d’autres nationalités. Malgré tout l’amour qu’ils peuvent avoir pour leur pays, ils perdent de droit leur nationalité originelle.

 

Par Stéphane Mbanze,

Juriste-Conseil

 

 

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