En rendant un vibrant hommage au cardinal Christian Tumi, l’Abbé Etienne Bakaba , Prêtre Archidiocèse de Douala, livre les clichés des derniers moments de l’illustre disparu qui était pour lui un proche. Pour l’Abbé Etienne Bakaba, le départ du cardinal laisse des points de suspension amères sur l’épineuse question de la crise anglophone. Issu de la dernière promotion des prêtres ordonnés par le cardinal le 8 décembre 2009 lors de son départ en retraite, l’Abbé Etienne Bakaba parle de l’œuvre de l’homme qui « restera pour l’Eglise un exemple à suivre ».

 

 

Comment avez-vous reçu le décès du cardinal Christian Tumi en pleine semaine sainte?

Quand j’ai appris la nouvel du retour à Dieu du cardinal, je suis allé dire merci à Dieu pour cet homme. J’ai aussi prié pour le pardon de ses péchés. J’ai demandé à la Vierge Marie et ne pas oublier le combat du cardinal pour la paix. Que le fils de Thomas Tumi et Catherine LA’AKA repose en paix.  Le cardinal Christian Tumi s’est endormi dans le sommeil de la mort ce dans la nuit du vendredi au samedi saint vers 1h du matin dans sa résidence à l’évêché à côté de la cathédrale.

 

 

Mourir en pleine semaine sainte doit être compris comme ”la grâce d’une bonne mort que nous demandons à Dieu tout le temps dans la prière. C’est une des récompenses que le Seigneur accorde à ses fidèles serviteurs. Parti de la clinique Idimed vendredi soir vers 18h à sa demande et en a côté avec Mgr Samuel Kleda et le personnel soignant, le cardinal est venu simplement faire un dernier tour dans ses appartements. Là où il priait, lisait, écrivait, écoutait, confessait encore les fidèles malgré le poids de l’âge. En descendant au séjour des morts au même moment que Jésus, notre espérance est qu’il ressuscite avec Lui.

 Au regard du poids de l’âge du cardinal, l’on est curieux de découvrir parfois l’énergie qu il dégageait. Parvenait-il  à avoir du temps pour  lui et les fideles catholiques ?

La biographie du cardinal que vous pouvez consulter dans le livre de Guy Ernest Sanga, ”Le cardinal Tumi ou le courage de la foi” nous révèle que Tumi a toujours été un grand bosseur. Et il aimait le travail bien fait.

Admis en retraite depuis le 17 novembre 2017, il n’a jamais cessé d’être ce qu’il est depuis le 17 avril 1966 : Prêtre. Voyez-vous, le 1er janvier 2021 il a présenté à la communauté chrétienne son dernier ouvrage ”Ma nuit en captivité” qui relate le film de son kidnapping le 5 novembre 2020 par des séparatistes de la crise anglophone. Deux mois après ce malheureux incident, il a pu sortir un livre. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

 

 

Il faut dire que dans sa famille biologique, ils ont la grâce d’une longue et solide vie. Souvenez-vous que sa maman, Catherine LA’AKA est décédé à plus de 120 ans. Certainement l’énergie du cardinal en plus d’être un héritage était un don de Dieu lié à sa vocation de prêtre. Et il a su mettre cette énergie au service de l’humanité.

 Pensez-vous que ce malheur impactera sur la crise anglophone lui qui était sur tous les fronts pour un retour à la paix?

Bien sûr le départ du cardinal laisse des points de suspension amères sur l’épineuse question de la crise anglophone. Mais je préfère vous répondre par les paroles de l’évangile en les appliquant à l’illustre disparu: ” Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas il reste seul. Mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit”. Je considère le cardinal comme un grain de blé pascal et j’attends dans l’espérance les fruits de la paix au Cameroun. Admis au ciel, le cardinal n’oubliera pas de rire chaque pour la paix dans notre pays.

Croyez-moi, Tumi était un camerounais d’une rare espèce.

91 ans de vie sur terre, il aura passé 50 en région anglophone c’est-à-dire depuis le 15 octobre 1930, jour de sa naissance au 6 janvier 1980 jour de son ordination comme évêque de Yagoua. 41 ans en région francophone. Soupçonné d’être un successeur de Mgr Albert Ndongmo, accusé d’être un opposant au régime de Yaoundé, Tumi n’a été ni plus ni moins qu’un prêtre, et un prêtre courageux tel qu’il en existe pas assez. La paix est d’abord un don du Christ ressuscité qui dit à ses disciples ”Je vous laisse-la paix, je vous donne ma paix” (Jean 14,27). Tumi nous laisse la paix de part son œuvre. Recevons là et ne trahissons pas son testament de paix.

 

 

Parlez-nous de la collaboration entre le cardinal et l’église en général. Existe-il un lien fort qu’il laisse ?

Le cardinal a été et restera pour l’Eglise un exemple à suivre. Je suis de la dernière promotion des prêtres ordonnés par le cardinal le 8 décembre 2009 lors de son départ en retraite. Ce que je sais de cet homme c’est que l’Eglise lui a abonnement fait confiance. Ordonné parle pape Jean Paul 2 le 6 janvier 1980 à Rome, il a travaillé à Yagoua comme évêque pendant 2 ans avant d’être transféré à Garoua comme Archevêque coadjuteur le 19 novembre 1982. Le 17 mars 1984  il devient archevêque de Garoua et le 28 juin 1988 il est fait cardinal. Quel parcours en 8 ans seulement…Et pour couronné son ministère il dirige l’archidiocèse de Douala du 31 août 1991 au 17 novembre 2009. Ses réformes et ses actions au sein de l’Eglise sont encyclopédiques.

Au sein de la Curie Romaine, il a oeuvré dans les Congrégations de l’Evangélisation des peuples’ de l’Education catholique, du culte divin et de la discipline des sacrements. Il a aussi travaillé dans le conseil pontifical pour la famille. En janvier-fevrier 1999, il représente le Pape Jean Paul 2 au Congrès eucharistique à Kumassi au Ghana.

L’œuvre du cardinal est immense. Mais je ne peux pas vous cacher que l’ensemble de la Conférence Episcopale Nationale du Cameroun n’était pas toujours d’accord avec ses prises de positions. Tous les prêtres n’ont pas le même courage. Jésus a aussi choisi des peureux, des traîtres et même le premier de ses apôtres, Pierre, l’a renié. J’espère qu’il y’aura d’autres Tumi après Tumi. Le monde en a besoin.

 

 

 Sa mort, aviez-vous  une chose qui  tenait en cœur  pour  les  âmes de bonne volonté ou pour le Cameroun pour donner de l’espoir ?

La question de la paix au Cameroun reste la préoccupation majeure du cardinal. Ses oeuvres caritatives sont innombrables. Sa vision pour la modernisation de l’Eglise de Douala fut salvifique. Rappelez-vous le bail foncier qu’il a signé avec le PMUC à propos de l’immeuble à côté de la cathédrale. 38 millions de francs CFA sont reversés par an au diocèse de Douala. Et ceci pour 60 ans. Après l’immeuble reviendra à l’Eglise. Il faut être visionnaire et courageux gérer les biens de l’Eglise avec une telle sagesse. l’Eglise en Afrique doit cesser de mendier. Elle doit cesser d’être ce qu’un théologien camerounais a appelé ”Eglise sous tutelle”. Je suis obligé de confesser que le cardinal n’appartient pas au Cameroun. Il appartient au patrimoine mondial. J’espère qu’on va l’enseigner dans les livres d’histoire.

 

 

 Pouvons-nous savoir l’église qu’il laisse en ce jour ?

Le cardinal m’a encouragé à faire la musique religieuse. Il s’est livré au tournage de certains de mes vidéogrammes. Je n’oublierai jamais cela. Il laisse une Église jeune et en marche. Il a été un formidable père et conseiller pour son successeur Mgr Samuel Kleda. Il a formé des générations de prêtres au Grand séminaire Saint Thomas d’Aquin de Bambui a Bamenda comme recteur fondateur. Il a beaucoup écrit. Il laisse une Université catholique à Douala, des hôpitaux de référence, une radio, une télévision, une imprimerie parmi les meilleurs en Afrique. Mais ce qu’il nous laisse par dessus tout, c’est le courage de sa foi

 

 

 

Pour finir une enquête est ouverte concernant la vidéo devenue virale sur la toile, qu’est ce que ça fait de voir ce genre d acte en tant que catholique?

La vidéo honteuse balancée sur la toile a été prise par un infirmier travaillant dans une de nos formations sanitaires, en présence d’un médecin de la clinique Idimed et du personnel laïc qui était cette nuit de la grande traversée auprès du cardinal. C’est regrettable de constater que l’irresponsabilité numérique atteigne aujourd’hui un seul inimaginable qui défie toute mesure de déontologie professionnelle. Vu que les mis en cause sont sous la main de la justice, laissons la justice faire son travail. Mais comme prêtre je dirai que tout homme a droit à la miséricorde. Je ne souhaite pas qu’on célèbre les obsèques du cardinal avec quelqu’un qui s’est occupé de lui en prison ou sans boulot. C’est le cœur du prêtre qui parle. Mes sincères condoléances à tous ceux qui ont aimé et connu Christian Cardinal Tumi. Requiescat in pacem. Amen! 

 

Interview réalisée par Jean Jacques Nyobe