Mécontentements dans le grand Nord Cameroun : L’Elite accusée dans une lettre ouverte  incendiaire au ministre Yaouba Abdoulaye

Yaouba Abdoulaye, Ministre délégué auprès du Ministre des Finances et élite de la partie septentrionale du Cameroun, est critiqué dans une lettre ouverte à lui adressée par un fils du grand nord Pierre Hervé Madougou Yagong.  Dans cette envolée épistolaire, auteur dénonce entre autres la complicité de l’Elite du septentrion  face aux privilèges octroyés aux « investisseurs étrangers » qui ravagent toutes les terres à des fins d’exploitations minières et sous le couvert des réserves foncières au détriment des populations.

« Le port sec de Ngaoundal serait en ballade du côté d’Obala, mais le chemin de fer Ngaoundéré-Ndjamena ressemble à une fable d’une autre existence : celle des périodes électorales ! Où est la constance dans l’action gouvernementale ? » S’interroge l’auteur dans cette lettre incendiaire dont copie a été transmise au journal La Voix Des Décideurs.

Lettre ouverte à Monsieur  Yaouba Abdoulaye, « élite » du Septentrion

« Monsieur, cher aîné, cher parent

 

Il nous est souvent rappelé qu’un Ministre est Ministre de la République et non d’une localité. Aussi, permettez-moi dans un premier temps de m’adresser à l’aîné, au parent que vous êtes pour vous exprimer mon souhait de parcourir en votre compagnie, aussi succinctement que me permet votre patience ce septentrion dont vous tirez déjà fort courageusement les grands traits dans les colonnes du Journal l’ Œil du Sahel du 1er septembre 2021.

 

 

Oui, j’aimerais très respectueusement m’entretenir de ce septentrion de nos gènes et de toutes nos gênes avec vous. En technocrate aguerri vous vous appuyez sur « les indicateurs de développement » pour rappeler que les régions septentrionales sont perçues par le reste des camerounais comme étant les plus pauvres et les plus en retard.

Le Ministre de la République aurait sans nul doute eu un regard sur les Régions du Nord-Ouest, de l’Est, et, se passant de ces indicateurs tout droit venus de Bretton Woods pour embrasser a réalité crue, aurait versé une larme très amère sur tout un pays en proie à des insécurités urbaines, rurales quasi généralisés et à des foyers de guerre bien ardent. Au total six Régions sur dix impactées par ces fléaux avec plusieurs villes sont sous couvre-feu. L’insécurité est l’un de ces cruels indicateurs, pourtant très factuel de pauvreté ignoré. Mais bon, restons au septentrion.

Permettez-moi de relever que le retard des Régions septentrionales n’est pas du tout une question de perception. C’est une réalité. Une cruelle réalité ! Elle n’est pas non plus une question de perception des seuls camerounais comme l’atteste le foisonnement des ONG et autres œuvres caritatives étrangères implantées dans le septentrion. Ce n’est pas non plus une question des seuls « indicateurs de développement ». En effet, quoique vous citez neuf (09) indicateurs, le degré de misère du septentrion ne saurait se définir par ces seuls neuf critères qui, nous sommes d’accord avec vous sont tous au rouge le plus vif.

 

 

Cher aîné, cher parent, votre mission s’est dotée de la très noble mission de « donner une forte impulsion à un développement accéléré des trois Régions ». Ne parlons pas seulement des indicateurs de développement, parlons de capabilité, c’est-à-dire de l’appréhension du bien-être individuel non pas par le revenu mais par la capacité à y avoir accès. Autrement dit, il ne suffit pas d’avoir 1,2 dollars par habitant pour pouvoir avoir accès au bien-être, simplement parce que les services essentiels manquent de façon chronique.

 

Si vous observez la capabilité des populations, vous vous rendrez compte que la misère est bien plus noire que ne l’indique les indicateurs de développement. Même quand on a de l’argent, on n’a pas accès à l’éducation. Éduqué, on n’a pas accès aux services de santé. On dispose de centre de santé, mais pas de services d’eau (le potable est un luxe de plus en plus ignoré), d’hygiène et d’assainissement encore moins d’électricité. Le sous-emploi est la norme et le chômage des jeunes endémique. Les menaces de famines ont fait place à une réalité qui gangrène les estomacs et métastasent dans tout le corps social! Et pourquoi parlez-vous du « chômage des jeunes » ? Le chômage des moins jeunes serait-il moins pénible ? Chômage c’est chômage !

 

 

C’est cette faible capabilité dans l’absolue qui justifie sans doute que vous, « élites » du septentrion, élus Parlementaire surtout, vous vous décampez pour avoir résidence permanente  dans les grandes métropoles du pays loin de vos terroirs si misérables où se traine des populations faméliques et terrorisées, vos « électeurs » pourtant à qui vous ne ressemblez plus en rien !

Seulement vous n’êtes plus les seuls à rejoindre ces grandes métropoles. Ne croyez plus que la pauvreté du septentrion se combat seulement dans le septentrion. Cette pauvreté se combat partout dans le pays. En effet, sous vos fenêtres à Yaoundé, peut-être étouffée par vos luxueux climatiseurs, une foule chaque jour plus dense  de personnes misérables en provenance du septentrion grossit chaque jour les rues. A l’observation, les fils du septentrion sont le plus gros effectif des « enfants de la rue. ». Ils se bousculent aux rangs des plus vieux métiers du monde. La pauvreté fait cruel outrage à nos sens de la dignité et de la noblesse légendaires.

Mais plus que les indicateurs et la capabilité, se trouve la Gouvernance cher aîné. Parlant donc de Gouvernance, nous sommes tentés de nous poser cette question simple : Est-ce que votre mission se fonde sur un quelconque élément de la nomenclature des normes juridiques, sur l’existence d’une association, ou alors c’est une initiative ex-nihilo qui n’a de poids que par ceux qui l’ont initié et/ou en font partie ? On se retrouve alors en pleins pieds dans ce que l’on nommerait à juste titre « l’État parallèle, la gouvernance parallèle ». Ce d’autant plus que quelques messages sur des réseaux sociaux faisaient état d’une réunion préparatoire chez le patriarche, Président de l’Assemblée Nationale (PAN). Or, sauf erreur de notre part, vous êtes depuis le mois de septembre 2006, membre du Gouvernement. D’où vient-il que vous assuriez la présidence d’une mission initiée par le PAN et dont les articulations se méprennent avec les missions dévolues aux Députés ? Fusion entre l’Exécutif et le Parlementaire ? Au nom de quoi, d’une opération de renouvellement des organes de base de votre parti des flammes plus que cuisantes, d’une action sur la durée et d’intérêt national ou tout au moins d’intérêt général?

 

 

Qui plus est, alors que la Constitution nous assure d’un État unitaire Décentralisé, que des Décrets matérialisent à un rythme hyper poussif ; que le Développement participatif s’ancre avec forces et Décrets, qu’est ce qui fonde légalement votre apparition avec vos pairs comme des extra-terrestres dans tout ce paysage juridique? Ça fait désordre cher parent. On se retrouve donc avec une scène où des Hommes sont au-dessus des Lois.

Dans cette jungle quel Développement prétendez-vous assurer ? De quelles concertations parlez-vous sans la moindre implication des élus locaux et de la société civile ? État parallèle, Gouvernance parallèle, gouvernance des Hommes-Fort, agonie des Institutions !

Les Hommes causes et complices des malheurs indicibles du septentrion deviendraient ils par la force de l’effraction des solutions ? Ou alors vous proclamez la mort de l’implication au développement de la société pour proclamer un bonheur sous le magistère très éclairé des « élites » ? Cette caste sociale créer de toutes pièces pour assurer les privilèges du colon en Afrique comme c’est si bien fait avec tous ces privilèges octroyés aux « investisseurs étrangers » qui nous ravagent toutes nos terres à des fins d’exploitations minières et sous le couverts des réserves foncières que vous les mêmes “élites” constituez pour leur bénéfice et à nos détriments ?

Avez-vous entendu parler des réserves foncières dans l’Adamaoua, cher aîné ? Avez-vous entendu parler des réserves foncières dans le Nord et l’Extrême-Nord, des exploitations sauvages des minerais, cher parent ? Ce sont pourtant là quelques actions très fortes émanant de vous les « élites » qui nous appauvrissent et nous condamnent à une misère et une mort face à laquelle la peur de vous n’est rien!

Monsieur Yaouba Abdoulaye, cher aîné, cher parent. Nous apprenons de la même tribune de vos expressions que 1005 membres de Boko Haram se sont rendus aux autorités camerounaises. C’est ici un autre indicateur plus fort que biens de concepts savants infusés à Bretton Woods ou je ne sais où.

 

 

Comment expliquez-vous que des milliers et des milliers de camerounais aient rejoint les sirènes sanglantes et fratricides de la secte terroriste Boko Haram ? Qu’est ce qui les a motivés à prendre les armes contre leur Patrie, contre leurs propres parents ? Mais à vous, cher aîné, on demandera simplement de savoir où se sont évanouis les chapelets de « plans d’urgence »,   de plans de ceci et de cela ? La Gouvernance donc !

Ne pensez pas que le septentrion tout comme le pays soit un habitacle de bourricots qui ont un besoin chronique de riz à l’huile de sardine et de nattes de vos dons à la charité trop bien mesquine. Avec de la bonne gouvernance, un climat des affaires assainit, les populations par des élans endogènes répercutés pour partie à travers les élus qu’ils vont librement choisir et pour partie portés par eux-mêmes vont très bien s’en sortir. Ne vous donnez pas autant d’importance. Vous en avez eu, et on en souffre.

Vous avez donc pu noter la très impressionnante proportion de marchés abandonnés dans l’Adamaoua. Mais si vous faites un ratio entre les marchés abandonnés et les parts de BIP attribués, vous revenez à la question de Gouvernance.

Vous avez listé les projets maturés en attente de financements. Nous avons encore droit  un de ces chiffres hors de toutes raisons et sans commune mesure avec le quotidien : 11 996 980 062 F CFA ! Et pour mettre la cerise sur le gâteau, 25 idées de projets à maturés ont été avancés.

A la question de Gouvernance se greffe la question de la constance dans l’action Gouvernementale. Comment justifiez-vous la concentration de quasiment toutes ces idées de projets dans la seule ville de Ngaoundéré à un moment où la reconsidération de la carte administrative du Cameroun se pose avec pertinence ? On parle de port sec à Ngaoundéré, qu’est devenu celui naguère prévu à Ngaoundal et qui devait s’inscrire dans le prolongement de la transafricaine reliant le Nigeria, la RCA et le Tchad ? Ceci aurait été de très forts points de désenclavement de plusieurs villes et villages. Mais non seulement le port sec de Ngaoundal serait en ballade du côté d’Obala, mais le chemin de fer Ngaoundéré-Ndjamena ressemble à une fable d’une autre existence : celle des périodes électorales ! Où est la constance dans l’action gouvernementale ?

 

Enfin, Monsieur le Ministre, cher parent, cher aîné. Vous remarquerez sans doute que tous ces projets sont conduits par les organismes étatiques qui ont déjà plus que démontré leurs limites sans que vous autres « élites » n’ayez du recul pour changer l’approche. Reconnaitre humblement vos limites est certainement moins cuisant que la souffrance qu’endure le peuple à cause de vos insuffisances largement démontrées pendant plus de 40 ans. Quelle caution apportez-vous aujourd’hui qui puisse rassurer d’une implémentation au-delà des gros titres des journaux ?  De quels projets de productions parlez-vous ? On parle de l’inexistence dans tout le septentrion des Agropoles près de vingt ans après le lancement du concept alors que vous venez du MINEPAT et que le titulaire actuel est aussi lui aussi « élite » du septentrion ? D’ailleurs à part l’agropole de tracteurs à Ebolowa, il y’ a des agropoles où dans le pays ? Les Montbéliard, on en parle ? Je vous en prie, arrêtez de jouer avec les chiffres sous les yeux des citoyens exsangues.

Le peuple boit l’eau des marres, mais l’unité de distraction des fonds, l’unité d’échec, l’unité des éléphants blancs, c’est LE MILLIARDS ! Vos limites sont amplement dépassées. Peut-être du sang neuf vous aurait donné meilleure allure, mais dommage.

Dommage car, un certain Mouvement proprement suicidé sous vos yeux, ne rappelais que le  respect des Textes qui garantissent 30% des places aux Régions septentrionales aux Concours de la fonction publique. Hélas ! Vous avez fermé à grands coups de pieds et de mépris une porte qui ne veillait que sur un renouvellement de la ressource humaine, que sur les apports d’énergies nouvelles dans un contexte de Gouvernance aussi sclérosé que l’on puisse l’être après un certain âge.

Il nous souvient que ce Mouvement citoyen avait été taxé au terme d’un « procès » digne de l’État d’exception de « regroupement régionaliste » par votre homologue et camarade du parti sous vos youyous.

 

 

 

Vous, que faites-vous là, à cet instant revêtus des  attributs de L’ÉTAT UNITAIRE DÉCENTRALISÉ du Cameroun ? A quoi servent donc les Députés, les Conseils Régionaux et municipaux ? A quoi sert la dynamique du Développement participatif ? A ce rythme le secteur privé national aura-t-il voix au chapitre un jour, si tout doit être impulsé et suivi par ceux qui sont déjà noyés par le confort de leurs salaires et traitements au point d’être absolument déconnectés des réalités quotidiennes, surtout qu’ils ne sont astreints à aucune obligation de résultats ? Aaahh, Jacobinisme quand tu nous tiens!!!

Ce que vous faites n’est pas du « regroupement régionaliste » ? Un autre Parti politique, pour ne pas citer le MRC aurait fait le 10ème que l’on aurait eu les sorties les plus incendiaires de quelques-uns de vos camarades pour l’agonir de ce qui semble être votre propriété exclusive: le tribalisme ! On interdit et fustige pour s’arroger le monopole de l’État parallèle ? Le septentrion est en droit d’avoir des Hommes d’État, là on a du tissus, mais pas d’étoffe.

Il est clair que la pauvreté entendu selon Amartya Sen comme la « privation de capacités ou de libertés de choix individuels » serait plus conforme aux intérêts d’une « élites » qui n’a jusqu’ici ménager que du sel aux populations comme on en ménage pour les moutons.

C’est pourquoi il est plus à craindre que votre safari aux airs du déjà vu n’enlise davantage les populations dans une pauvreté inouïe. Par conséquent, vous voudrez donc assumer les seuls points que l’on attend de vous, c’est-à-dire le respect de le Constitution, des normes juridiques, laisser l’animation de la vie nationale (socioéconomique, culturelle, etc.) à des institutions mises en place légalement, dotées de personnes élues ; laissez la libre expression aux associations de la société civile, aux  partis politiques ; permettre une évolution sécurisée aux acteurs économiques, tels sont quelques  gages de la bonne Gouvernance.

Quand le septentrion se réveillera, le Cameroun émergera.

J’ose croire cher aîné, cher parent que votre amour pour le septentrion dont je ne me permets de douter vous fera prendre en considérations la modeste voix de votre cadet et parent.

 

 (e) Pierre Hervé Madougou Yagong »

 

 

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